Votre banque, demain, sera un mélange entre Tinder, Uber, WeWork et le camion blanc de « C’est pas sorcier » ! Une prophétie étonnante que l’on peut faire en observant ce qu’il se passe à l’étranger.
Cet article entre dans le cadre d’un partenariat avec Moneyvox. Infostat-Marketing édite des données géolocalisées sur les banques et assurances.
Grâce aux outils de banque à distance, vous vous rendez de plus en plus occasionnellement en agences bancaires. Or, les quelques 38 000 agences recensées à fin 2020 par Infostat-Marketing, représentent un coût que les banques tentent de rentabiliser. En atteste par exemple la refonte horaires des agences de BNP Paribas ou la décision prise par la Bred de rendre l’agence bancaire accessible uniquement sur rendez-vous. « Le matin, les clients peuvent y passer librement pour une opération courante, mais l’après-midi, l’agence est ouverte aux personnes qui ont rendez-vous », nous explique Frédéric Bois, chef de projet chez Sémaphore Conseil.
A l’étranger, les groupes bancaires vont un peu plus loin dans la transformation de leurs réseaux. D’abord, ils ont fermé plus d’agences qu’en France ces dernières années. Selon la Fédération bancaire française, le nombre d’agences a diminué de 30% au sein de la zone euro entre 2009 et 2019, contre 6,5% en France, d’après une documentation interne consultée par MoneyVox. Entre 2010 et 2020, nos données démontrent une baisse de l’ordre de 9% en France.
Surtout, les banques étrangères testent des changements plus radicaux dans l’organisation de leurs agences, comme dans la relation entre le client et son conseiller. C’est ce que met en avant une étude du cabinet de conseil Sémaphore Conseil, sortie à l’automne 2020, que MoneyVox a pu consulter (1). L’un de ses objectifs : relever les expérimentations des acteurs étrangers pour imaginer la banque du futur en France. Voici quelques initiatives considérées comme particulièrement « inspirantes ».
Une application à la Tinder pour choisir son banquier
« Swiper » (faire défiler son écran de smartphone de gauche à droite) jusqu’à tomber sur le banquier de ses rêves ! C’est l’idée de la banque américaine Umpqua Bank qui a lancé en 2018 « Go-to », une application de rencontre entre client et conseiller bancaire. Sur cette appli mobile, chaque conseiller dispose d’une page de profil, avec photo, qui répertorie ses principaux domaines d’expertises ainsi que les heures pendant lesquelles il est disponible pour échanger, ce qui permet aux clients de choisir l’interlocuteur adapté à ses intérêts personnels. Une fois le « match » entre un client et un conseiller effectué, ils peuvent échanger par SMS ou par visio.
« Cela ressemble au projet « Like ton banquier » du Crédit Agricole Centre Est lancé en 2013 », fait remarquer Frédéric Bois, projet abandonné depuis. Sous la forme d’une application smartphone et d’un site Internet, ce concept s’adressait notamment aux jeunes. Il devait leur permettre de choisir leur conseiller en fonction de son domaine d’expertise mais aussi des langues parlées, de la localisation de l’agence, ou encore de données plus personnelles comme son âge et ses loisirs.
Avec l’appli Go-To, Umpqua Bank semble avoir réussi là où le Crédit Agricole a échoué. « Comparée à un « Tinder pour conseillers bancaires », cette application, qui démontrait l’avance d’Umpqua Bank en termes de relation client, fait le plein en raison de la crise du Covid19 », écrit en effet Sémaphore Conseil dans son étude. La plateforme, qui comptait 45 000 utilisateurs en janvier, a vu son nombre d’inscriptions augmenter de 30% en mars 2020, d’après Brian Read, responsable des services bancaires aux particuliers et aux petites entreprises.
Des agences partagées entre banques concurrentes
De la même façon que We Work et The Babel Community ont introduit le coworking et le coliving – c’est-à-dire le fait de partager son espace de travail ou de vie – les banques pourraient s’échanger leurs agences. Objectif : mutualiser les frais immobiliers qui, dans des métropoles comme Paris et Lyon, ont explosé ces dernières années. Cela pourrait donner : lundi au Crédit Agricole, mardi pour BNP Paribas, mercredi pour la Société Générale… Eh bien, ce concept d’agences partagées existe déjà en Angleterre et surtout en Allemagne et arrive en France.
La banque mutualiste Frankfurter Volksbank et la Caisse d’Epargne Taunus Sparkasse ont lancé des agences communes, qui s’appellent les « FinanzPunkte » (points financiers). Mais pour éviter toute ambiguïté, ces deux établissements n’occupent jamais en même temps les locaux. Les clients font la différence entre les deux banques grâce à un système d’éclairage qui permet de distinguer les jours où les conseillers de la Volksbank officient des jours où les locaux sont occupés par ceux de la Sparkasse. Concrètement, lorsque l’agence est rouge, les clients de Sparkassen sont pris en charge. Lorsqu’elle est bleue, c’est au tour des clients de la Volksbank.
« Nous continuons ainsi à offrir à nos clients des conseils et des services personnalisés, même à l’ère numérique », expliquent les deux banques sur le site internet qui présente ces « FinanzPunkte. « La protection et la confidentialité des données sont garanties à tout moment par une infrastructure (informatique) strictement distincte. Il est également clair que nous resterons concurrents – même dans des locaux partagés », ajoutent-elles.
En mars 2021, 26 « points financiers » dans le district de Hochtaunuskreis et dans le district de MainTaunus ont ouvert, et les clients se montrent satisfaits à 85% de cette présence locale, selon un communiqué commun. Dans ces territoires, plus de 10 000 agences bancaires ont fermé ces 15 dernières années. « Malgré des stratégies multicanales réussies avec une forte présence en ligne pour les deux sociétés, la présence locale est toujours extrêmement importante pour nos clients », souligne Oliver Klink, président de Taunus Sparkassen. Selon les données compilées par FBF, près d’un tiers du réseau bancaire de l’Allemagne a disparu entre 2009 et 2019.
Des banquiers à leur compte
A l’étranger, l’externalisation de la gestion des agences mais aussi des frais de personnels peut aussi passer par le concept de franchise. « A la manière des agents généraux en assurance, ce sont des intermédiaires qui distribuent les produits de la banque à laquelle ils sont affiliés », illustre Marin Delattre, consultant en banque de détail chez Sia Partners. C’est le cas en Belgique d’ING dont le réseau de proximité, en profonde restructuration, est géré soit en interne, soit, et de plus en plus, par des agents indépendants.
En février 2020, la Caisse d’Epargne avait tenté d’impulser en France ce concept de conseillers à leur compte, ce qui avait déclenché l’hostilité de syndicats y voyant l’ubérisation du conseiller bancaire. Un test devait débuter au sein de la Caisse d’Epargne Bretagne Pays de Loire courant 2020. Mais, « du fait de la crise sanitaire, nous avons différé cette expérimentation locale, sans caler de nouvelle date. On reste en mode projet, sans visibilité pour l’heure sur le démarrage », indique à MoneyVox la communication de la Caisse d’Epargne Bretagne Pays de la Loire.
Un camion agence pour aller à la rencontre des clients
Le concept de camions agences bancaires pourrait aussi se populariser en France, à en croire l’étude de Sémaphore. Pour preuve, les derniers chiffres communiqués par la banque espagnole Bankia qui dispose de 12 camions baptisés Ofibus. Ces derniers sillonnent les routes des provinces de Castellón, de Ciudad Real, de Madrid, de Valence ou encore d’Andalousie. De quoi desservir 373 communes et permettre à 250 000 personnes menacées d’exclusion bancaire de faire leurs opérations courantes. Durant le confinement, « la fréquentation enregistrée dans les bus était supérieure de 70% par rapport aux agences bancaires classiques », souligne Sémaphore Conseil.
Cette idée est-elle applicable en France ? Indéniablement ! D’ailleurs, ce type d’initiative existe déjà. Le Crédit Agricole Centre France, par exemple, a lancé dès 2011 ses camionnettes agences qui vont à la rencontre des habitants en zone rurale de la Creuse, de la Corrèze et du Cantal. Le chargé de clientèle à bord peut proposer aux clients tous les produits de la gamme banque-assurance. Contacté en novembre 2020, le centre client de ce Crédit Agricole nous confirmait que cette tournée reste encore d’actualité. En 2014, Boursorama Banque, aussi, était allée à la rencontre des Français à bord d’un camion. Là, l’idée était de faire connaître la banque en ligne et de rompre avec l’image d’une enseigne pour les Franciliens.
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