A en croire les organes de presse qui nous alertent sur les pertes dramatiques des guichets et distributeurs automatiques de banques, le pays se dirige vers une désertification bancaire. Spécialiste des données géolocalisées et référence dans le domaine bancassurance dans ce domaine depuis plus de 20 ans, Infostat-Marketing fait le point à ce sujet.
En 2021, Infostat-Marketing a signé un partenriat avec Moneyvox qui a publié une étude complète sur ce sujet. S’il n’y a pas vraiment de désert bancaire aujourd’hui en France, cette étude montre l’ampleur des fermetures d’agence, et une grande redistribution territoriale. Mais aussi, des horaires d’ouverture très limités, en particulier dans les grandes villes !
Une chute lente et progressive
Depuis 2015, les distributeurs et guichets automatiques de banques (gab et dab) régressent sur le territoire français. Nous comptions en effet environ 56 000 automates en 2015, 52 451 en 2018, 50 316 en 2019 et 48 710 fin 2020. Ajoutons à ces chiffres les 25 145 points de distribution d’espèces situés dans des commerces, soit un total de 73.855 distributeurs. Pour autant peut-on parler de déserts bancaires ? Assurément non, bien que certains territoires du sol national ne soient pas bien lotis. Plusieurs raisons expliquent le phénomène.
Une optimisation du réseau
Le premier constat que nous pouvons faire est que la fermeture des guichets et distributeurs se concentre essentiellement dans les grandes villes pour des raisons d’optimisation du réseau. Celles-ci sont en effet les mieux équipées et cette diminution n’altère en rien l’accessibilité à ces automates par la population. De fait, quand on parle de désertification bancaire, elle n’est pas tant due à la fermeture des gab et dab qu’au manque d’installation de ceux-ci dans des zones peu peuplées sur le territoire national. Et ce dernier point s’explique aussi. En effet si on comptait environ 60 000 gab et dab en 2010, beaucoup d’entre eux situés en zones rurales ont été jugés peu rentables et ont été retirés par les banques. De fait, cela a contribué en effet à compliquer les vie des habitants de ces zones, d’où l’apparition du terme « désertification bancaire ».
En parallèle, cependant, le nombre de points d’accès privatifs, ces «services privatifs de distribution d’espèces accessibles uniquement aux clients de leur réseau d’appartenance» (comme les relais CA du Crédit agricole) a fortement progressé, passant de 23.202 à 25.536 en un an. Cette fois-ci, le rythme de la progression suit le chemin inverse de celui de la fermeture des DAB : la hausse est plus marquée dans les grandes villes (+25,4%) et celles de 5000 à 9999 habitants (+18,8%), mais moins dans les petits villages (+2,4% dans ceux de moins de 500 habitants).
Une utilisation des espèces qui recule
Si l’accessibilité aux espèces constitue l’un des cinq piliers de la politique nationale de gestion des espèces, les chiffrent prouvent en effet qu’elle est parfaitement gérée puisque 99% de la population métropolitaine âgée de 15 ans et plus réside soit dans une commune équipée d’au moins un automate, soit dans une commune située à moins de quinze minutes en voiture de la commune équipée la plus proche. 94.8% de la population est à moins de 10 minutes de trajet en voiture d’un distributeur.
De fait, l’accessibilité n’est pas le point névralgique des gab et dab – hormis les cas ruraux évoqués plus avant – et certainement pas une cause non plus mais bien une utilisation des espèces qui recule au profit des paiements digitaux, le commerce en ligne étant l’emblème des changements significatifs des modes de consommation .
Cependant, selon l’enquête SPACE de la Banque centrale européenne sur les habitudes de paiement des ménages en zone euro en 2019, les espèces restent le moyen de paiement le plus utilisé en France avec une part qui s’établit à 59 % contre 35% des paiements par carte. En 2016, 68% des achats en magasin étaient payés en espèces. Trois ans plus tard plus tard, en 2019, ce chiffre est tombé à 59%. La carte bancaire en profite, utilisée désormais 1 fois sur 3 (35% contre 27% en 2016, +8 points). En France, l’utilisation des espèces baisse plus vite qu’ailleurs. Nous sommes seulement 9% à déclarer privilégier les pièces et les billets pour régler nos achats en magasin, contre 27% des habitants de la zone euro. Un chiffre lui aussi en nette baisse : il était de 17% en 2016. La carte bancaire récolte l’essentiel des suffrages (69%), tandis 22% des sondés n’ont pas de préférence claire*.
Lorsque le nombre de retraits des habitants est pris en compte l’évolution de l’offre semble compatible avec l’évolution de la demande d’espèces. Le nombre de points d’accès par million de retraits est quasi stable entre 2018 et 2020, avec 47,6 points d’accès par million de retrait à fin 2020 contre 47,3 points à fin 2018. Le nombre de DAB diminue un petit peu plus rapidement que le nombre de retraits, avec 31,4 DAB recensés par million de retraits à fin 2020 (contre 32,4 à fin 2019 et 32,8 à fin 2018). Encore une fois, on peut logiquement parler d’optimisation due à l’évolution de la société. Par ailleurs, la Banque France veille à l’accès aux espèces par tous, ainsi qu’au respect du cours légal (impossibilité pour un commerçant de refuser un paiement en espèces) au nom de la liberté de choix de l’instrument de paiement par le consommateur. Les espèces ainsi que les gab dab ont ainsi encore de beaux jours devant eux.
Une accélération due au covid19
Selon une enquête de la BCE (1) réalisée en juillet 2020, 39% des sondés en France déclarent avoir réduit leur utilisation des espèces depuis le début de la crise sanitaire et 49% paient davantage en carte sans contact. Si le relèvement du plafond a joué un rôle important dans l’utilisation du sans contact, il ne peut être une raison suffisante à expliquer ce qui nous intéresse ici, à savoir la chute modérée des dab et gab. D’autant que ce plafond n’empêche en rien l’utilisation de la carte. Par contre, la peur du covid a évidemment accéléré l’utilisation de la carte bancaire au détriment des espèces, la Banque de France indiquant que 44% des sondés français pensent ainsi que les billets constituent un vecteur de transmission du virus.
La diminution du nombre de distributeurs automatiques de billets suit également la diminution du nombre d’agences bancaires sur le territoire, à l’heure où les services se digitalisent de plus en plus et où de nombreux Français se tournent vers les banques en ligne.
De nouvelles solutions voient le jour, comme dans ces communes où la mairie prend en charge les frais générés par l’existence d’un distributeur. Certains transporteurs de fonds, à l’instar de Loomis ou la Brink’s, proposent également aux élus locaux l’installation de DAB dans leurs communes.
0 commentaires