Entre 2010 et 2020, près de 2% des communes de métropole ont perdu toutes leurs agences bancaires.
Cet article entre dans le cadre d’un partenariat avec Moneyvox. Infostat-Marketing édite des données géolocalisées sur les banques et assurances.
Sur les quelques 35 000 communes françaises, de plus en plus tournent sans agences bancaires à proximité. Entre 2010 et 2020, 654 d’entre elles ont perdu toutes leurs banques, selon notre étude géomarketing exclusive sur la banque réalisée avec notre partenaire Moneyvox. Ces fermetures se concentrent principalement en Alsace, avec 36 communes du Haut-Rhin et 50 du Bas-Rhin (soit 13% des communes qui en 2010 avaient au moins une agence et maintenant n’en ont plus) et en Moselle avec 34 villages concernées. Les départements du centre-est de la France – Saône et Loire (18 communes désormais dépourvues de banque), Rhône (17), Loire (14), Isère (20) et Ain (18) – accueillent également une quantité importante de villages qui ont vu, sur la décennie écoulée, la dernière agence bancaire baisser le rideau. Il en va de même dans certains départements du Centre-Val de Loire, dont L’Indre-et-Loire (18 communes) et le Loir-et-Cher (15).
Le village de Montrottier dans le Rhône est concerné. En 2019, il a vu son bureau de poste, qui proposait l’offre de La Banque Postale, remplacée par un relais postal tenu par un buraliste. Avantage : « Les heures d’ouverture du bureau de tabac sont plus grandes et moins changeantes que l’ancien bureau de poste ce qui permet aux citoyens de retirer un colis même le dimanche », explique à MoneyVox Michel Gouget, le maire de cette commune de 1 400 habitants. Bémol, côté services bancaires, ce relais commerçant offre essentiellement un service de retrait d’argent pour les clients de la banque de La Poste. Mais, de l’aveu même du maire, la population a appris depuis longtemps à vivre sans agence bancaire à proximité. « Il y a 20 ans qu’un conseiller du Crédit Agricole ne se rend plus au village le jour du marché », poursuit Michel Gouget.
A Jarrie, aussi, commune périurbaine de 4 000 habitants composée de 3 hameaux située à 11 kilomètres de Grenoble (Isère), la dernière banque, une Caisse d’Epargne, a fermé en mai 2019. Toutefois, « cela m’a étonné mais cette fermeture n’a pas semblé poser trop de problème. Les clients ont a priori été basculés sur la Caisse d’Epargne de Vizille située à 4 kilomètres [municipalité plus grosse où se trouvent plusieurs autres banques, ndlr] », nous explique Michel Doffagne, adjoint à l’aménagement du territoire et à l’urbanisme de Jarrie. « La proximité de Vizille fait que les habitants n’ont pas besoin d’aller très loin pour rencontrer des conseillers bancaires », complète la chargée de communication de la commune. « Nous n’avons pas été assaillis de pétitions comme cela s’était passé quand La Poste, qui faisait aussi banque, a fermé il y a quelques années », se souvient également l’adjoint. Il explique ce calme notamment par le développement de la banque en ligne : « Les gens se sont habitués à ce qu’il n’y ait plus d’agence et s’organisent différemment ». De plus, « La Poste était un cas différent car elle reste dans l’esprit des personnes plus âgées un service public à défendre », souligne Michel Doffagne.
Les communes se rebiffent
En revanche pour d’autres municipalités, la fermeture d’une agence passe beaucoup plus mal auprès des habitants. Dans ces villages plus ruraux, où maintenir des commerces de proximité est un enjeu de survie, perdre sa banque c’est donner une occasion de moins à la population locale de se rendre au village et donc de faire vivre les échoppes s’y trouvant, comme l’ont expliqué les élus locaux questionnés par MoneyVox. « Les commerces sont synergiques et interdépendants. Quand l’un ferme, les gens se disent qu’ils vont aller dans un autre village, une autre ville, certes plus loin mais où ils trouveront tous les services simultanément : médecin, pharmacie, commerces alimentaires, services postaux et bancaires. C’était notre crainte lorsqu’en 2019 le Crédit Agricole a fermé malgré notre mobilisation, celles des riverains et la pétition des commerçants », nous explique Dominique Chambon, adjoint au maire de Varennes-Saint-Sauveur, village de 1 200 habitants de Saône et Loire. Désormais, hors services postaux, la banque la plus proche se situe entre 12 et 18 kilomètres de la commune.
« C’est quasiment devenu systématique en ruralité. A chaque fois qu’une agence ferme, les élus locaux et les associations mènent des actions auprès de la banque. Parfois ça marche, mais souvent la banque ferme car elle considère que le gain apporté par ces clients ne compense pas les coûts liés au maintien de l’agence », explique à MoneyVox Frédéric Guyonnet, président du premier syndicat du secteur, le SNB/CFE-CGC.
A Aigre aussi, village de 800 personnes mais qui rayonne sur un bastion de 5 000 habitants, la fermeture à l’automne 2020 de sa Caisse d’Epargne, dernière banque au centre du bourg, a déclenché l’hostilité du conseil municipal. « On nous a sollicités en septembre, soi-disant pour un rendez-vous de courtoisie. Et au final, on nous a annoncé la fermeture en octobre de l’agence, se souvient Renaud Combaud maire de cette commune du Sud-Ouest. La Caisse d’Epargne la plus proche se situe à 25 kilomètres. Avertis par courrier de la fermeture de leur agence, la plupart des clients nous ont indiqué qu’ils allaient devoir changer pour le Crédit Agricole ou pour La Banque Postale, plus proches », poursuit l’édile.
En effet, dans le cadre de sa mission d’aménagement du territoire, la Poste, qui propose des services bancaires au travers de sa filiale La Banque Postale, doit faire en sorte de conserver un maillage dense. En théorie, pas plus de 10% de la population d’un département ne doit être éloignée de plus de 5 kilomètres et de plus de 20 minutes de trajet en voiture d’un point de contact La Poste. En pratique, la mission est atteinte, explique la Poste. Plus de 95% des Français se situent effectivement dans une zone qui respecte ce critère de proximité. Or, sur les 17 000 points de contact, 9 400 sont soit des relais postaux commerçants soit des agences communales gérées par du personnel municipal, et où seuls des services bancaires de dépannage sont proposés. Comme ce fut le cas il y a 2 ans à Montrottier, c’est le nouveau péril bancaire qui menace Varennes-Saint-Sauveur. « Au 1er juillet, nous n’aurons plus notre bureau de poste, mais seulement une agence postale dans la mairie. C’est ce que nous avons réussi à négocier avec La Poste qui voulait réduire les horaires d’ouverture. Il y aura ainsi encore quelques services bancaires, comme la possibilité de faire des dépôts d’espèces. Cela dépannera », détaille l’adjoint de Varennes-Saint-Sauveur.
Sauver le distributeur de billets
Au quotidien, le principal problème que pose la fermeture des agences bancaires est celui de l’accès au cash. L’argent liquide demeure un rouage majeur du tissu économique local, insistent les élus sollicités. « Il y a encore beaucoup de personnes qui paient en numéraire dans les commerces de proximité et notamment des personnes qui sont réticentes au chèque ou à la carte bancaire. De plus, sur le marché qui se tient tous les jeudis, certains commerçants n’ont pas de terminaux de paiement. Les espèces sont donc primordiales », souligne le maire d’Aigre.
Même attachement aux pièces et aux billets en Saône et Loire. « C’est en train d’évoluer progressivement. Mais les gens restent habitués aux espèces. Sur le marché alimentaire qui a lieu une fois par semaine sur la place du village, c’est plus pratique de payer en cash. Cela va mieux, mais il y a 2 ans les terminaux de paiement fonctionnaient très mal », décrit Dominique Chambon. L’argent liquide est aussi un enjeu crucial pour la vie associative et festive. « Les associations ont rarement des terminaux bancaires. Acheter des gaufres pour aider une association, régler le repas pour participer à une fête… le cash est encore nécessaire », ajoute l’élu de Varennes-Saint-Sauveur.
C’est pourquoi, à Varennes-Saint-Sauveur, comme à Aigre, les élus ont renoncé à l’agence du village mais pas au distributeur de billets. A Aigre, qui conserve une agence du Crédit Agricole en périphérie, la commune s’est rapprochée du transporteur de fonds Loomis pour financer l’installation d’un distributeur de billets. La Brink’s propose aussi aux élus locaux, moyennant une commission mensuelle et une pénalité en cas d’opérations en nombre insuffisant, d’installer et gérer un distributeur de billets. C’est le cas à Linselles, commune du Nord de la France. Pour Eric Bocquet, sénateur communiste du Nord, ce type de services posent question : « La collectivité doit encore mettre la main au porte-monnaie pour assurer un service à sa population, je trouve ce déplacement de charges non acceptable », nous explique-t-il.
A Varennes-Saint-Sauveur, en contrepartie du rachat des locaux de l’ancienne agence du Crédit Agricole et du financement des travaux de sécurité et d’isolation, le Crédit Agricole s’est engagé à y maintenir le distributeur automatique de billets pendant au moins 5 ans.
En Isère, à Jarrie, la mairie aussi a bataillé pour conserver le distributeur « afin que les gens puissent faire des retraits car autour il y avait des commerces », raconte la chargée de la communication. Et cela a fonctionné, l’agence Caisse d’Epargne est partie mais le distributeur, toujours géré par la banque, est resté. « C’est un service important. Seuls nos administrés parmi les plus jeunes peuvent se satisfaire de Lydia et autre outil de paiement mobile. Mais on se bat encore aujourd’hui pour garder ce distributeur », explique Michel Doffagne, adjoint du maire. A Jarrie, deux options restent en cours de discussion. « Soit la Caisse d’Epargne nous cède pour 1 euro symbolique le local qui accueillait autrefois l’agence et qui jouxte le distributeur et, en contrepartie, la commune prend en charge les 70 000 euros de frais pour séparer le distributeur du magasin et le sécuriser. Soit la Caisse d’Epargne vend son local au notaire qui est intéressé et nous rétrocède gratuitement l’automate et prend en charge les travaux. Nous, on préfère la seconde option car payer 70 000 euros sans n’avoir aucune garantie sur le fait que la Caisse d’Epargne maintienne sur la durée le distributeur nous déplaît », détaille Michel Doffagne.
Des commerçants qui gèrent le cash
Dans d’autres communes, ce sont les 6 000 relais CA (anciennement Points verts) du Crédit Agricole qui restent l’unique point d’accès au cash. Concrètement, il s’agit de commerçants clients du Crédit Agricole qui encaissent un paiement par carte sur leur terminal de paiement et redonnent l’équivalent en billets. « Nous proposons ce service de retrait depuis le confinement. Il n’y a pas de banque à proximité donc pour les riverains, cela s’est révélé d’autant plus utile en cette période de restriction de déplacement », témoigne une gérante d’une épicerie, bar, restaurant d’une commune de 700 habitants de la Loire. Elle explique à MoneyVox percevoir 80 centimes lorsqu’un client du Crédit Agricole effectue un retrait. Pour la clientèle d’une banque concurrente, la commerçante ne reçoit pas de compensation et impose de fait un achat minimum de 3 euros. Le retrait est alors limité à 60 euros, contre 100 euros pour un client du Crédit Agricole.
A Montrottier, également, un relais CA est implanté. « Il n’y a jamais eu de distributeur automatique de billets, nous explique Michel Gouget. Par contre on se débrouille avec l’épicerie qui est Point vert et où les gens peuvent retirer de l’argent », poursuit le maire de ce village des monts du Lyonnais.
Bémol, ce service n’est pas possible dans les communes dénuées de commerces, nuance Eric Bocquet. « En ruralité, la désertification est polyforme, pas uniquement bancaire », souligne le sénateur. « Ces types de services sont complémentaires et utiles pour un certain nombre de concitoyens mais ne remplaceront jamais ceux d’une agence bancaire et notamment la possibilité d’échanger avec un conseiller », nuance également Renaud Combaud, maire d’Aigre.
Source : Marie-Eve Frenay – Moneyvox
0 commentaires